Objet : Protocole d’accord signé après le drame d’Incarville
Monsieur le ministre de la Justice, Garde des Sceaux,
Très rapidement après votre prise de fonction, vous avez affirmé votre engagement à respecter l’ensemble des modalités du protocole d’accord signé par l’intersyndicale à la suite du drame d’Incarville, au cours duquel deux des nôtres ont perdu la vie, lâchement assassinés.
Force Ouvrière Justice ne peut, évidemment, que se réjouir de cet engagement. Si nous avons d’ores et déjà commencé à travailler avec l’administration pénitentiaire sur de nombreux points de ce protocole d’accord, certains ne pourront être mis en place qu’avec votre soutien, votre volonté et un certain courage politique.
Ce soutien, Monsieur le ministre, doit se matérialiser en premier lieu par un budget adapté. Ce protocole d’accord a été signé, il faut maintenant flécher le budget au PLF 2025, afin de nous permettre d’acheter et de déployer le matériel. Ce budget doit également nous permettre d’obtenir le nombre d’ETP nécessaires à l’application des mesures du protocole d’accord.
Monsieur le ministre, la volonté et le courage politique, aujourd’hui nécessaires, ne dépendent que de vous. Il vous appartient de tout mettre en œuvre pour que les mesures de ce protocole permettent, demain, aux personnels pénitentiaires de travailler dans de meilleures conditions et en toute sécurité.
Et ceci passe notamment par la limitation du recours aux extractions judiciaires avec des mesures essentielles, telles que :
– Le développement et la généralisation du recours à la visioconférence
– Le déplacement des magistrats dans les établissements pénitentiaires pour les détenus au plus fort potentiel de dangerosité
Comment peut-on accepter qu’aujourd’hui, sur la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris, seuls 10% des créneaux proposés en visioconférence aux magistrats soient utilisés ? Cet exemple est criant, mais les chiffres ne sont guère meilleurs sur les autres directions interrégionales.
Monsieur le ministre, il y a urgence à vous saisir de ce dossier. Une Loi devait d’ailleurs être présentée à l’Assemblée nationale au mois de septembre, avant l’annonce de sa dissolution. Il y a désormais urgence à agir. Sans ces mesures fortes, les équipements et les effectifs ne suffiront pas.
Monsieur le ministre, il faudra également faire preuve de courage et de volonté politique pour s’attaquer enfin au sujet de la surpopulation dans nos prisons. Des mesures doivent être prises rapidement pour mettre un terme à une situation qui n’est plus acceptable ni tenable pour personne, dans des détentions où la densité carcérale atteint des seuils inédits, des seuils aujourd’hui critiques.
À ce sujet, Force Ouvrière Justice propose, entre autres mesures, un nouveau régime de détention : l’incarcération à domicile, laquelle serait à la main de l’administration pénitentiaire. Ce nouveau régime de détention nous permettrait de gérer les flux avec plus d’efficience et d’adapter la peine au plus juste. Les décisions pourraient alors se prendre au plus près du terrain, par les professionnels qui ont la charge quotidienne des personnes détenues, les connaissent le mieux, et sont en mesure de garantir l’équilibre entre l’individualisation de la peine, son exécution dans des conditions dignes, la sécurité des établissements pénitentiaires et les conditions de travail des personnels.
Monsieur le ministre de la Justice, vous l’aurez compris, pour Force Ouvrière Justice les différents points du protocole d’accord ne peuvent être dissociés, ils doivent tous être mis en œuvre sans exception. Ça n’est que la stricte application du protocole dans sa globalité qui permettra que, plus jamais, un drame tel que celui que nous avons connu le 14 mai 2024 ne se reproduise.
Plus de véhicules, plus d’armement, des effectifs supplémentaires et la réduction drastique des extractions judiciaires, grâce au déploiement de la visioconférence, sont indissociables.
Sans la mise en œuvre de ces mesures, nous pourrons considérer que nous avons échoué, que l’institution n’a pas tiré les enseignements de la mort tragique de deux de nos collègues. Force Ouvrière Justice ne peut s’y résoudre, pour leur mémoire d’une part, et pour assurer une meilleure sécurité dans l’avenir d’autre part.
Dans l’attente de vous lire, Monsieur le ministre, veuillez agréer mes salutations distinguées.
Lire le communiqué