FO Justice CPIP tient à mettre en lumière les conditions d’exercice des agents du SPIP de RIOM. Les collègues exerçant sur le centre pénitentiaire souhaitent faire entendre leur désespoir face à une situation devenue invivable.
En effet, loin de vouloir incriminer la détention ou tout autre service déjà en difficulté, ils souhaitent faire entendre leurs voix afin que soit trouvé rapidement et en concertation des solutions à une situation enkystée qui a épuisé professionnellement l’équipe en place.
FO Justice CPIP se fait le porte-parole de ces agents qui souhaitent pouvoir exercer leur métier et seulement leur métier dans des conditions dignes :
PETIT RAPPEL DU CONTEXTE :
Le SPIP est composé théoriquement de 2 personnels administratifs, 9 CPIP, 1 DPIP, une assistante sociale et d’une coordinatrice d’activités.
L’établissement : le CP de Riom est un établissement ciblé ERA (Etablissement à Réinsertion Active) qui comprend plusieurs quartiers. On dénombre au 1er juillet 2022, 602 détenus pour 568 places, répartis en 7 quartiers. Ces différents quartiers impliquent une multiplication des instances administratives et judiciaires (Commissions d’application des peines, Commission pluridisciplinaire unique, Commissions de régulation…)
L’équipe du SPIP du CP de Riom via FO Justice CPIP tient à alerter quant à l’insécurité professionnelle et les risques psychosociaux qui en découlent.
CONSTAT EST FAIT D’UN NOMBRE INSUFFISANT DE POSTES DÈS L’OUVERTURE DU CP.
Les agents ont depuis longtemps alerté la direction et les instances sur le manque d’agent pour mener à bien les missions confiées au service. En effet, les exigences d’un établissement ERA en termes de labellisation (processus entrant, sortant), d’évaluation, de prise en charge individuelle et collective nécessitent que le SPIP ait les moyens de remplir ses missions. Et ce d’autant plus que l’établissement présente la spécificité d’une maison d’arrêt à régime dit adapté (type « respecto ») et d’un centre de détention fléché « AICS » (Auteurs d’Infractions à Caractère Sexuel).
Lors du retour sur expérience au CP de Riom des 26 et 27 septembre 2016 suite à l’ouverture du CP, il avait déjà été préconisé la création de 2 postes supplémentaires de CPIP pour porter à 10 postes l’équipe du milieu fermé et permettre d’atteindre les objectifs déclinés à l’ouverture du nouvel établissement.
Un rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui a visité le SPIP en juillet 2017, soit un peu plus d’un an après l’ouverture du CP, constatait déjà les insuffisances du service et recueillait la parole du SPIP ainsi (page 115 du rapport) «L’ensemble de l’équipe considérait cependant exercer en mode dégradé depuis l’ouverture de l’établissement, au regard d’un projet de service ambitieux » « La directrice interdépartementale estime à dix conseillers l’effectif nécessaire pour remplir les missions du SPIP »
Une recommandation du CGLPL avait été ainsi formulée « Les missions des CPIP doivent être repensées afin d’assurer un accompagnement plus soutenu des personnes détenues à travers des interventions individuelles et collectives.
Des moyens humains doivent être alloués en conséquence »
Le constat est donc sans appel, en 2022, avec 9 postes de CPIP quand le SPIP n’est pas impacté par des arrêts de travail, dont 3 CPIP à temps partiel, soit 8,4 ETP, le SPIP de Riom ne peut exercer ses missions correctement dans ces conditions, ce qu’a souligné également la nouvelle équipe de JAP lors d’une réunion du 24 janvier 2022, s’étonnant de l’absence de projets de sortie suffisamment construits.
Enfin, un rapport de la mission de contrôle interne effectué dans le cadre de la prise de fonction de Mme DEMMER, nouvelle DFSPIP, en date du 2 décembre 2021, a bien souligné l’insécurité ressentie par les membres de l’équipe du SPIP. Alors qu’en page 63 « La DFSPIP exprime le souhait d’associer les représentants du personnel au projet de service », l’annonce d’une volonté de réorganisation du service le 13 juin dernier, sans concertation préalable montre que cette question n’était pas ou plus d’actualité. Le rapport note pourtant page 81 « La santé sécurité au travail constitue une priorité d’action pour la nouvelle DFSPIP, eu égard au faible taux de conformité sur ce chapitre (22%).
UNE SITUATION DE NOUVEAU EXTRÊMEMENT DIFFICILE :
Récemment, le SPIP a connu une nouvelle situation de crise avec jusqu’à 4 personnels en arrêt maladie simultanément (1 PA, 2 CPIP, 1 ASS). Même quand la directrice était informée de manière anticipée d’un arrêt de travail, aucune décision n’a été prise pour réorganiser le travail des agents compte tenu de la nouvelle charge à venir. Ce sont les agents eux-mêmes qui ont dû demander la réaffectation des dossiers des collègues absents et la mise en place d’un mode « dégradé » qui d’ailleurs était discutable sur le fond car reprenant des taches que les CPIP ne doivent pas effectuer.
Les agents du SPIP sont toujours en attente d’un soutien et de solutions concertées de la part de leur direction face à ces difficultés :
- En mars 2022 était annoncé l’ouverture d’un poste de contractuel pour une durée de 6 mois. 3 mois plus tard, aucun contractuel n’a été recruté, ce qui ne peut qu’interroger l’équipe car les précédents postes de contractuels ont toujours été pourvus. Est-ce que ce recrutement est une priorité pour la direction ?
- L’intervention du CPIP placé ou la mise à disposition d’un CPIP du milieu ouvert ont été refusés par la direction. Certes imparfaites, ces solutions auraient pu néanmoins permettre à l’équipe de retrouver un certain équilibre.
- Un mode dégradé a été mis en place et brutalement arrêté à partir du 17 juin, alors même qu’un bilan devait en être dressé et que l’équipe est toujours dans une situation de crise.
- Les agents de la maison d’arrêt se retrouvent avec des effectifs extrêmement élevés : plus de 100 mesures pour une CPIP, des temps partiels non respectés…
- Chaque mois, les agents du SPIP travaillent au-delà des horaires prévus, générant ainsi de nombreuses heures écrêtées pour lesquelles aucun bilan ni retour n’a été fait.
Les agents du SPIP ont l’impression de subir de la part de leur direction des décisions aléatoires, changeantes, arbitraires, sans concertations avec l’équipe ce qui entraine un fort sentiment d’insécurité et de découragement. Pour exemple de ces décisions arbitraires, il a été renvoyé à l’équipe à plusieurs reprises (septembre 2021, décembre 2021, mars 2022) le refus de la direction de réfléchir à l’organisation du service avant un bilan à la fin de l’année 2022. Une nouvelle intervention de la MCI a été annoncée pour le 12 juillet 2022 comme un préalable à une réflexion sur les «difficultés structurelles». Or, sans aucun préavis, le 13 juin 2022, la DPIP, annonçait que la direction du SPIP avait décidé de modifier l’organisation et de remettre en question la sectorisation du service, avec effet immédiat.
L’équipe a dû s’opposer à cette décision, dans l’intérêt des agents mais surtout des usagers contraints du service public, pour qu’une réflexion d’équipe soit menée avant toute décision.
Ce mal-être professionnel ne semble pas être perçu par la direction qui aurait pu pourtant s’alerter sur le fait que sur les 9 CPIP de l’équipe, 6 ont demandé leur mutation au SPIP milieu ouvert de Clermont-Ferrand à la CAP 2022.
POUR RÉSUMER :
Dès l’ouverture du CP, le nombre d’agents au SPIP n’a jamais été suffisant pour répondre aux exigences du projet de service, encore moins du RPO (Référentiel des Pratiques Opérationnelles). Le service connait des difficultés RH perpétuelles, le travail est fait constamment à flux tendu ce qui entraine des situations critiques à chaque absence prolongée. Le résultat est un épuisement général des agents.
EN CONCLUSION :
La circulaire du secrétariat général du 10 Juin 2014 rappelle qu’aux termes de l’article 2- 1 du décret du 28 Mai 1982, « les chefs de service sont chargés, dans la limite de leurs attributions et dans le cadre des délégations qui leur sont consenties, de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité. »
Nous sommes loin des règles européennes de la probation édictées par le Conseil de l’Europe qui annoncent pour mémoire que : « La structure, le statut et les ressources des services de probation doivent correspondre au volume des tâches et des responsabilités qui leur sont confiées et doivent refléter l’importance du service public qu’ils assurent » (REP n°18). « Les effectifs des services de probation doivent être suffisants pour qu’ils puissent assurer pleinement leur mission. Le nombre de dossiers que chaque agent a à traiter doit lui permettre de surveiller, guider et assister efficacement les auteurs d’infraction, de manière humaine et, si cela est approprié, de travailler avec leur famille et, le cas échéant, les victimes. Si la demande est excessive, il est de la responsabilité de la direction de chercher des solutions et d’indiquer au personnel les tâches prioritaires » (REP n°29)
Aussi FO Justice CPIP appelle la direction du SPIP de RIOM à se saisir de cette ultime demande des CPIP. Il est essentiel que le dialogue s’instaure de manière constructive. L’équipe attend un RÉEL échange avec la direction si besoin sur d’autres modalités d’organisation, mais avant toute chose que la question RH soit tranchée avec dans un premier temps une alerte à la Direction interrégionale pour qu’a minima soit proposé le poste laissé vacant à l’issue de la campagne de mobilité aux sortants d’école.
FO Justice CPIP soutient les collègues dans leur volonté de voir s’améliorer les conditions d’exercice actuelles au SPIP de RIOM et appelle à être force de proposition envers la direction pour établir un dialogue payant qui permettra de concilier missions et épanouissement professionnel de chacun. Dans cette attente, l’équipe espère la restauration d’un réel mode dégradé qui permette à chacun de travailler le plus sereinement possible et en toute sécurité professionnelle.