Visite du DAPA sur la MA Gradignan : Discours de la représentante FO Justice CPIP

M. Donard, je souhaitais tout d’abord vous remercier de votre venue répondant ainsi à l’invitation qui a pu vous être transmise lors de remontée d’information sur l’actualité vécue à Gradignan.

Je souhaitais vous faire part à nouveau de cette réalité carcérale et pénitentiaire et les questionnements associés. La MA Gradignan apparaît être un symptôme du mal être qui ronge l’administration pénitentiaire. La prison telle qu’elle est aujourd’hui s’illustre par le fait de placer des hommes et femmes dans des cellules en exploitant l’espace au-delà des limites acceptables pour la dignité humaine. La problématique de surencombrement n’est pas nouvelle mais a pu atteindre un summum l’année dernière et reste encore très vive.

Ce surencombrement associé à des conditions parfois insalubres questionne sur la valeur humaine donnée à chaque personne placée sous écrou. Il impacte également les capacités de chaque service à pouvoir effectuer leur mission, à répondre aux besoins du public et leur apporter l’accompagnement demandé par l’administration.

Cette situation aurait pu être il y a quelques décennies l’expression de colère de la population pénale au travers de mutineries. Aujourd’hui nous constatons que le public pour faire face à ce quotidien s’ancre davantage dans la violence, dans les trafics en tout genre, dans la délinquance entre les murs de la prison. Un sentiment de haine contre la société, un éloignement du sens donné à la loi sont ainsi alimentés.

Aussi, les agents de l’administration pénitentiaire sont confrontés chaque jour à la violence de ces conditions de travail, comme à celle du public avec un sentiment d’impuissance. A ce jour, la prison accentue l’usage de la violence dans le rapport à soi et à l’autre. Face à ce constat, il m’est arrivé de motiver un aménagement de peine pour éviter que cette violence n’explose dans le contexte carcéral.

Des conditions de détention violentes quant au respect de la dignité humaine, une adaptation des personnes détenues à ce contexte dans leur rapport à l’autre et à la société, une absence d’accompagnement, de réponse aux besoins des personnes en raison de leur nombre et d’une réalité inquiétante des ressources humaines des services pénitentiaires font aujourd’hui que la prison et notamment la maison d’arrêt n’est autre que le terreau de la récidive et du développement de la dangerosité.

La réponse apportée s’inscrit dans la création de nouveaux établissements tel que celui de Gradignan. Cependant, il est déjà sous dimensionné au regard de la population actuellement écrouée.

La dynamique de désencombrement touche également à ses limites. Elle se constate avec unsurencombrement de l’établissement qui reste constant et des établissements pour peine qui arrivent à saturation. Ce constat laisse entrevoir que malgré l’ouverture du nouvel établissement, l’administration pourrait se trouver dans l’incapacité de pouvoir vider le bâtiment A et devoir gérer les nouveaux et anciens bâtiments avec un chiffre de personnes détenues jamais atteint. La réalité desurencombrement risque d’être une équation impossible à résoudre.

Reste la question des ressources humaines, la réalité est telle qu’elle ne pourra jamais être à la hauteur des besoins d’accompagnement du public. Les limites sont elles aussi aujourd’hui déjà plus qu’atteintes. Aucun accompagnement n’est réellement mis en place à ce jour.

Le SPIP gère les urgences et s’inscrit dans la réponse aux injonctions données en mettant de côté un bon nombre de personne incarcérée. Cette situation est inquiétante et ne fait que s’accroitre. Il suffit de constater le nombre de poste ouvert aux concours CPIP externe de moins de 60 cette année. Malgré une ouverture du nouvel établissement en 2024, aucun poste de titulaire n’est ouvert pour l’antenne de Gradignan pour septembre 2023 malgré la forte probabilité de voir le nombre de personnes écrouées exploser. La réponse donnée par l’embauche de contractuel répond sur le papier aux effectifs que l’administration souhaitent démontrer. Nous avons actuellement trois contractuels.

Mais dans les faits, il s’agit d’une attaque directe à l’identité professionnelle et au professionnalisme des CPIP et des SPIP pour lesquels il est demandé d’avantage d’engagement dans la prévention de la récidive.

L’emploi des contractuels peut placer non seulement ces agents dans des situations de mise en danger au regard du contexte d’intervention et des problématiques du public mais questionne réellement sur la volonté de l’administration d’apporter un accompagnement judiciaire de qualité à la hauteur de nos missions.

Cette situation devient exponentielle et met à mal le peu de dispositif pouvant être encore investis positivement.

A ce jour les attentes quant au doublement des capacités de la SAS vont propager les difficultés de la détention ordinaire et non pas les soulager.

En effet, le doublement des personnes en semi-liberté dans des conditions matérielles initialement non prévues, dans un temps de réinsertion qui pour certains sortant de CD ou de centrale fait suite à de nombres années d’encellulement individuel engendre une forte probabilité de mettre à mal la dynamique d’insertion mais également d’alimenter la problématique de violence voir le risque de récidive.

Malgré un risque de récidive moindre sur les longues peines, un seul acte de récidive est souvent dramatique et criminel.

Cette propagation du surencombrement, avec des ressources humaines pour le personnel pénitentiaire constantes voir diminuant avec un mal être au travail grandissant finiront par enterrer définitivement toute faisabilité d’accompagnement respectueux de nos missions.

Monsieur DONARD en tant que deuxième plus haut représentant de l’administration pénitentiaire, nous attendons que vous puissiez porter un regard et un discours objectif sur la réalité du terrain afin de nourrir des réflexions communes au sein du ministère de la justice, de l’état, de nourrir des pistes politiques concernant le rôle voulu de la prison, le sens donné à la peine et à la sécurité de la société civile ainsi que la réalité des moyens donnés.

Il est semble-t-il de notre responsabilité que la prison ne court pas à sa propre perte en créant les conditions de son propre surencombrement, en inscrivant davantage les personnes dans la délinquance et la récidive, mettant ainsi la société civile en danger !!!

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